Fin octobre, Facebook a changé son nom en Meta et a déclaré que le métavers était l’avenir de l’internet. Au début de l’année, la société Epic, créatrice du jeu multijoueur en ligne mondialement connu Fortnite, a levé un milliard de dollars, montrant ainsi que les investisseurs sont prêts à investir des sommes importantes dans des expériences immersives en ligne.
Soudain, le métavers est devenu le mot à la mode dans le monde de la technologie et tous les investisseurs veulent en avoir une part. Mais qu’est-ce que le métavers (metaverse en anglais) ? S’agit-il seulement de lunettes de réalité virtuelle (VR) et de jeux ? N’est-il pas déjà trop médiatisé ? Et quelles sont les possibilités de gagner de l’argent grâce à lui ? Nous abordons ces questions dans ce guide du débutant.
- Qu’est ce que le métavers ?
- Pourquoi penser que le métavers va décoller cette fois-ci ?
- Le métavers ne sert-il qu’à jouer à des jeux vidéo ?
- Faut-t-il un dispositif spécial pour utiliser le métavers ?
- Quels sont les principaux risques du métavers ?
- Le métavers sera-t-il dominé par les géants de la tech comme Meta ou Microsoft ?
- Est-ce que le potentiel du métavers est surestimé ?
Qu’est ce que le métavers ?
L’écrivain de science-fiction Neal Stephenson a inventé le terme « métavers » dans son livre Snow Crash (1992), l’utilisant pour désigner un univers généré par ordinateur. Il s’agit généralement d’un monde virtuel hautement immersif et partagé où les gens se réunissent pour jouer, socialiser et travailler. Etymologiquement, « Metaverse » est la contraction des mots « Meta » et « Universe » ou méta univers en français, qui devient « métavers » une fois raccourci.
Il est également lié au développement du Web3.0, dont certains pensent qu’il sera le prochain chapitre de l’existence de l’internet – un chapitre construit sur des chaînes de blocs qui, en théorie, démocratiseront l’accès et le pouvoir et affaibliront l’emprise des plus grandes entreprises technologiques, certainement l’une des raisons pour laquelle Facebook s’est rapidement converti au métavers.
Le concept n’est pas réellement nouveau. Au début des années 2000, il y avait de nombreux précurseurs du métavers, notamment Second Life (lancé par Linden Lab en 2003) et Habbo Hotel, créé par le Finlandais Sulake. Ils ont disparu des radars de beaucoup de gens depuis lors, mais les deux sont toujours en activité – Second Life comptant encore 200 000 utilisateurs actifs quotidiens.
Pourquoi penser que le métavers va décoller cette fois-ci ?
Les grandes entreprises technologiques font feu de tout bois sur le métavers. Mark Zuckerberg en personne s’investit pleinement, tandis que Microsoft veut construire le métavers d’entreprise.
Pendant ce temps, des jeux multijoueurs en ligne comme Fortnite, Minecraft (propriété de Microsoft), The Sandbox et Roblox ont déjà fait du jeu social un phénomène grand public et ont créé des plates-formes qui peuvent servir de base au développement du métavers. Certains développeurs de jeux pensent que Roblox pourrait être la plateforme de métavers la plus puissante du futur. Minecraft, quant à lui, fonctionne sur le logiciel en nuage Hadean, qui peut atteindre des milliers d’utilisateurs par monde.
La puissance de calcul nécessaire à la mise à l’échelle massive de la réalité virtuelle commence à émerger. Des entreprises comme Hadean et Improbable, spécialisées dans la création de systèmes informatiques distribués à grande échelle, peuvent réunir 10 000 joueurs sur le même serveur simultanément. Minecraft utilise les services du Hadean à cet effet. De nombreuses entreprises de métavers parlent d’accueillir des concerts et des événements sportifs pour 50 000 personnes simultanément – ce qui aurait été impensable il y a encore quelques années.
Les crypto-monnaies et les jetons non fongibles (NFT) facilitent l’achat et la vente de choses à l’intérieur du métavers, ouvrant ainsi des opportunités commerciales. Mais surtout, ces tokens échangeables finiront aussi par permettre de déplacer votre identité et vos biens virtuels entre les différents mondes du métavers – vous pourriez par exemple prendre votre épée pixelisée d’un jeu Roblox et la transformer en une arme puissante dans Fortnite.
C’est à ce moment-là que le métavers devient véritablement « méta » et que vous pouvez sauter sans problème d’une plateforme à l’autre, comme l’imaginent les romans de science-fiction tels que Snow Crash et Ready Player One. Essayeé d’imaginer comme au moment, dans les années 1990, où les téléphones portables ont commencé à permettre aux gens de s’envoyer des textos sur différents réseaux, et où la messagerie mobile a soudainement explosé au-delà des attentes.
Le métavers ne sert-il qu’à jouer à des jeux vidéo ?
Pas vraiment. Les jeux vidéos sont un point de départ évident et un bon exemple pour se faire une idée du métavers, mais si vous adoptez une vision plus large du Web3.0, c’est bien plus que cela. Fortnite a accueilli des concerts d’Ariana Grande et de Travis Scott, tandis que le concert Roblox de Lil Nas X, l’année dernière, a été visionné 33 millions de fois.
C’est pourquoi des startups comme Stage11, basée à Paris, sont intéressantes. Stage 11, qui vient de lever 5 millions de dollars auprès d’Otium Capital, crée des expériences musicales immersives pour le métavers et a conclu des partenariats avec des artistes comme David Guetta, Snoop Dogg, Ne-Yo et Akon.
Un grand nombre d’artistes, des musiciens aux créateurs de mode, vont créer des entreprises autour de la fourniture de biens et de services pour le métavers. La société Gravity Sketch, basée à Londres, a récemment lancé une salle de collaboration virtuelle où les designers peuvent travailler ensemble à distance sur le même projet de conception 3D.
Dans le domaine des affaires, le groupe SoftConstruct, basé en Arménie, a de son côté lancé le projet PandaMR, un logiciel multi-plateforme d’hébergement d’événements virtuels, qui permet de créer, d’accueillir et de participer aux événements virtuels ou hybrides.
Même Omniverse de Nvidia, qui crée un jumeau numérique d’une usine BMW, fait partie d’une sorte de métavers. Il s’agit peut-être d’un métavers ennuyeux, mais il compte quand même, car les techniciens pourront y collaborer les uns avec les autres.
D’une manière générale, toutes les entreprises sont susceptibles d’être présentes dans un métavers, chaque entreprise a actuellement un site web en 2D à l’heure actuelle, dans le métavers, elle en aura une version 3D.
Des centaines d’entreprises, des startups en phase d’amorçage aux géants de la technologie, trouvent déjà leur place dans l’écosystème du métavers.
Faut-t-il un dispositif spécial pour utiliser le métavers ?
Non. Certaines expériences du métavers s’appuient fortement sur les casques de réalité virtuelle (VR) – par exemple, les réunions et les formations immersives. Des entreprises comme Varjo et Magic Leap, qui créent des lunettes de réalité virtuelle, et des entreprises comme Ultraleap et Gleechi, qui développent le suivi de la main et des moyens de manipuler les objets virtuels, sont donc à surveiller, mais très peu des enfants qui jouent à Roblox ou Minecraft le font avec des lunettes de réalité virtuelle. Ils utilisent surtout des appareils mobiles.
Le smartphone, au travers de la réalité augmentée, sera le moyen le plus simple pour le grand public d’accéder au métavers sans équipement spécifique, pour essayer des chaussures avant de les acheter par exemple ou bien même essayer du maquillage.
Petit à petit, les technologies se développent pour renforcer l’expérience utilisateur et permettre à celui-ci de ressentir les 5 sens (la vue, le toucher, l’ouïe, l’odorat et le goût) dans le métavers.
Quels sont les principaux risques du métavers ?
Les avocats préviennent que le métavers sera le théâtre de litiges concernant la propriété intellectuelle, la protection des données, les licences de contenu et les risques liés aux crypto-monnaies. De nombreux procès devront être menés pour établir les règles, en septembre par exemple, Roblox a réglé un procès avec l’association nationale des éditeurs de musique des États-Unis, ce qui ouvre la voie à la possibilité pour les artistes de lancer leur musique dans le métavers.
De plus, des faits de droit commun que l’on retrouve dans la vie de tous les jours pourront aussi se produire dans le métavers, comme le prouve ce dernier exemple d’harcèlement sexuel.
Il incombera donc aux créateurs de métavers d’assurer la sécurité des utilisateurs et le respect des règles de vivre ensemble.
Concernant les investisseurs, le plus grand risque est de déterminer quelles entreprises savent vraiment comment construire un métavers convaincant que les gens voudront rejoindre et retrouver. Certains fondateurs adopteront l’approche « construisez-le et ils viendront » et échoueront. Le succès ou l’échec sera rapide. Plus rapide encore que dans l’éco-système actuel.
L’autre risque est que le métavers reste trop fragmenté et que les gens ne puissent pas porter leur identité virtuelle sur différentes plateformes. De multiples entreprises se battent pour devenir le ciment entre les différents mondes virtuels, mais le risque est qu’aucun gagnant fort n’émerge, ce qui conduit à des communautés fragmentées.
Le métavers sera-t-il dominé par les géants de la tech comme Meta ou Microsoft ?
Une bataille se prépare pour savoir si le métavers sera dirigé par une seule entreprise comme Facebook, ou si plusieurs entreprises collaboreront.
Ce que Facebook propose dans le métavers est un contrôle très centralisé de tout un écosystème. Le modèle alternatif est incarné par ce que nous voyons dans l’espace blockchain, où de multiples monnaies numériques coexisteront et de multiples entreprises collaboreront.
Au cours des des dix prochaines années, nous saurons quel modèle en sortira vainqueur.
Petit indice, la plupart des observateurs du métavers doutent que Facebook soit capable de dominer le métavers.
La plupart des individus qui construisent sur le métavers semblent s’accorder sur un désir collectif d’ouverture et de décentralisation, pour que cela devienne une réalité, une communauté diversifiée et la concurrence sont cruciales. Ainsi, à moins que ces grands acteurs ne trouvent un moyen de casser la distribution des mondes et des produits numériques, ils ne devraient pas en sortir gagnants.
« Comme Twitch nous l’a montré dans le passé, le leader du marché dans le métavers viendra d’un challenger ».
Olivier Martret, directeur de la société française de capital-risque Serena
Est-ce que le potentiel du métavers est surestimé ?
Pas vraiment. Le métavers fait les gros titres en ce moment, mais les investissements dans ce domaine sont encore faibles. Comme expliqué en début d’article, la société de jeux américaine Epic a levé un milliard de dollars en avril dernier. En début de ce mois, The Sandbox, un studio de jeux appartenant à la société de capital-risque hongkongaise Animoca Brands, a levé 93 millions de dollars, mais ces grands tours de table sont encore rares.
En ce qui concerne les liquidités, les investissements dans les crypto-monnaies et le Web 3.0 font la une des journaux, mais c’est surtout parce qu’il s’agit d’un espace naissant où des cas d’utilisation sont développés chaque jour, les chiffres eux-mêmes sont rarement très élevés.
Les investisseurs sont encore, pour la plupart, attentistes et cherchent à savoir quelles jeunes entreprises méritent d’être soutenues. Les 12 prochains mois seront déterminants, les grands investisseurs comme Sequoia et Coatue observent la situation et vont faire de gros chèques. Ils observent les entreprises qui ont effectué une première levée de fonds, et il y aura trois ou quatre entreprises dans lesquelles ils mettront les gros chèques.
Il faudra encore quelques années avant de pouvoir passer d’une application à l’autre de manière vraiment transparente, mais lorsqu’il sera vraiment possible de co-créer et rencontrer des gens dans le monde entier, travaillant ensemble sur différents projets, cela aura pour conséquence de démocratiser le métavers entrainant une explosion des financements.